On ne demande pas au pamphlétaire d'être équitable, de dérouler une pensée rationnelle ou même d'analyser objectivement des phénomènes. S'il est brillant, mordant, si sa verve nous emporte, on lui pardonnera la pire mauvaise foi, le lecteur se réservant la tâche de faire « la part des choses ». Dans son bref essai sur les méfaits de la culture de masse, publié pour la première fois en 1998, Alain Paucard ne fait malheureusement montre de ces qualités de style que très épisodiquement, ce qui fait ressortir la faiblesse de son argumentation et le caractère somme toute très superficiel de sa critique.
Cette dispersion est d'autant plus regrettable que certaines pages sont bienvenues et laissent entrevoir ce qu'aurait pu être ce petit livre si l'auteur s'était tenu à son sujet. Ainsi, les chapitres assez méchants sur Télérama, devenu pour les classes moyennes cultivées une sorte de Journal officiel de la Culture, sur les grandes expositions ou les visites guidées. Chacun se reconnaîtra, avec un peu de honte, dans ces portraits au burin. Quand il manie le paradoxe ou entonne l'air de la nostalgie pour les temps révolus, Alain Paucard est encore meilleur : ainsi fait-il un surprenant « Éloge des beaufs » où se devine un vrai talent d'ironiste.