"N'est-il pas temps, au seuil de la mort, d'en finir avec ces simagrées humaines que sont l'art et la culture ? " Hammerklavier n'a rien de la douce confession qu'on aurait pu attendre d'un recueil de souvenirs ou d'une petite "étude" autobiographique.
L'auteur préfère asséner à son clavier des petites notes sèches et courtes, cruelles et cyniques, qui ne sont pas sans rappeler les éclats furieux et "capriccioso" du Gabriel de "Une désolation".
Yasmina Reza choisit des anecdotes, cueille des instants, tirés de rêves ou de réalités tous constitutifs de son histoire. Elle les décline en courts chapitres qu'elle titre comme des mélodies distinctes. Chacune dit les préoccupations intimes de l'écrivain sur l'art, la judéité, et surtout sa terreur du temps. On donne déjà le nom de poèmes en prose à ces fragments autobiographiques, tant la sensibilité et l'exigence de l'écrivain y sont présentes. Après "Art", "Conversations après un enterrement" ou "L'Homme du hasard", Yasmina Reza quitte pour la première fois le théâtre pour le récit, sans rien perdre de sa force dramatique ni de l'acuité de son regard. -- Laure Anciel