Pour Michel Bernard, dans Le Bon Cœur, l'histoire de Jeanne d'Arc commence par une gifle. Celle que le sire de Baudricourt, excédé, qui tient encore un minuscule territoire en bord de Meuse dans une France presque entièrement occupée par les Anglais, donne à une petite paysanne. Elle vient pour la deuxième fois lui demander des soldats afin de rétablir le roi sur le trône. Jeanne n'est pas folle, ce serait trop simple et le sire de Baudricourt le sait. Mais il sait aussi que cette époque de troubles est propice aux illuminés et aux faux prophètes. Pourtant, il finira par céder, comme tant d'autres après lui, à la volonté de cette étrange jeune fille "grande, carrée d'épaules, bien campée sur ses jambes, le visage ouvert, les yeux vifs, le regard profond".
Le Bon Cœur n'apportera pas de révélations scandaleuses ou d'hypothèses hasardeuses sur Jeanne d'Arc. L'ambition romanesque de Michel Bernard est ailleurs : tout son talent est de nous faire revivre cette histoire que l'on connaît ou que l'on croit connaître tel un chroniqueur de cette époque. Il chante les paysages traversés avec un lyrisme discret et les batailles gagnées ou perdues avec une manière d'étonnement calme pour que Jeanne nous apparaisse comme elle est apparue à ses contemporains : évidente et insaisissable.
Le Bon Cœur est le roman d'une voix, celle d'une paysanne de dix-sept ans qui retint le royaume de France sur le bord de l'abîme, le sauva et en mourut. Elle changea le cours de l'histoire en réveillant dans le cœur usé des hommes la force de croire et d'aimer.