L'Algérie de Pétain a légué à la postérité l'image d'un pays où, sous l'étendard d'un patriarche de cité thermale vénéré comme un dieu, il ferait bon vivre loin de l'occupant, du rationnement et de la violence. Mais que se passe-t-il en réalité dans la tête des populations et que chuchotent-elles ?
Dans un régime policier, un reporter ne peut pas interroger les passants sur l'air du temps. Et pourtant, il est possible de reconstituer leurs propos, les Etats muselés étant ceux qui laissent le plus de traces indiscrètes : informateurs, écoutes téléphoniques et contrôle postal travaillent à plein.
Le fonds de la délation, écrite ou orale, regorge de richesses consternantes. Cet ensemble documentaire, en partie inédit, prend à rebours bien des schémas traditionnels.
L'ordre pétainiste ? Une anarchie institutionnalisée fondée sur le règne des petits chefs, d'administrateurs incompétents et de la délation. Hitler ? Une sorte de messie envoyé par Allah pour délivrer les colonisés. Le gaullisme et l'anglophilie sont plus répandus qu'on ne le croit.
La résistance algérienne s'organise au jour le jour. L'antisémitisme est répandu, certes, mais avec des exceptions souvent inattendues. Tombées des lèvres des acteurs ou sous leur plume, la misère ou les persécutions acquièrent une densité tragique dont le discours savant peut difficilement rendre compte.
Au croisement des mémoires, fellahs, bourgeois petits et grands, colons miséreux ou richissimes, observateurs locaux ou étrangers, fonctionnaires militaires et civils racontent l'Algérie véritable de Pétain, telle qu'ils l'ont vue et vécue.