Voici l'un des rares ouvrages qui ont marqué le renouvellement de l'histoire de la Révolution russe.
En effet, à partir de l'étude des milliers de messages et télégrammes que toutes les Russies avaient envoyés au Soviet de Petrograd sitôt l'annonce de la chute du tsarisme, Ferro révèle les aspirations des paysans, soldats, ouvriers, ligues de femmes, allogènes, écrivant la première histoire à partir d'en-bas.
Ce faisant, il démontre la double bureaucratisation par en bas et par en haut des organes de pouvoir (soviets, comités de quartier ou d'usine notamment) créés spontanément dans l'élan des journées populaires de février : rapidement colonisés par les représentants des grandes organisations ouvrières et des partis politiques qui existaient sous le tsarisme – au premier rang desquels les bolcheviks –, ils se greffèrent ensuite sur le parti bolchevik, avant Octobre et après. Restait alors à Lénine et aux siens à mettre hors la loi tous les autres partis, à dessaisir les soviets et tous les comités de leurs pouvoirs, et à éliminer les institutions jugées rivales. Tel fut le triomphe du socialisme totalitaire.