Les lieux communs ont la vie dure. Ainsi cette idée d'un Moyen Âge dualiste, qui aurait instauré une guerre entre le corps et l'âme : d'un côté, un
corps coupable, source du péché, de l'autre, une âme pure tournée vers Dieu. Réfutant cette construction, Jérôme Baschet montre plus
subtilement que le Moyen Âge chrétien a développé une pensée positive du lien entre l'âme et le corps, soucieuse de valoriser l'unité
psychosomatique de la personne. Ce modèle a permis de penser non seulement l'être humain mais aussi l'ordre social dont l'Église est alors l'
institution dominante. Reconnu pour l'originalité de ses travaux historiques, Jérôme Baschet examine dans son entier les conceptions de la
personne humaine. Chemin faisant, le genre est évoqué à travers la distinction du masculin et du féminin, tout comme les représentations de l'
au-delà et celles de l'âme – qui prend forme corporelle au paradis ou en enfer. Mais l'ouvrage dépasse les limites habituelles du Moyen Âge en
prolongeant l'analyse jusqu'au moment où, avec Descartes et Locke, s'impose une conception radicalement nouvelle de la personne, identifiée
à la conscience, qui ne doit son activité à rien d'autre qu'à elle-même. Décloisonnant sa réflexion, l'auteur s'attache aux différentes perceptions
de la personne dans d'autres cultures, de la Chine impériale aux sociétés amérindiennes en passant par l'Afrique ou la Nouvelle-Guinée –, un
voyage comparatiste indispensable pour évaluer la singularité des conceptions occidentales de l'humain et mettre à distance l'idée moderne du
moi.