Touristes, terroristes, sécularistes, hackers, fondamentalistes, transhumanistes, algorithmiciens : ce sont toutes les tribus qui habitent et
agitent l'innommable actuel. Un monde fuyant comme il n'était jamais arrivé auparavant, qui semble ignorer son passé, mais qui s'éclaire
aussitôt que d'autres années apparaissent, la période comprise entre 1933 et 1945, au cours de laquelle le monde lui-même avait accompli une
tentative, partiellement réussie, d'autoanéantissement. Ce qui vint ensuite était informe, brut et de plus en plus puissant. W.H. Auden intitula L'
âge de l'anxiété un petit poème à plusieurs voix situé dans un bar à New York vers la fin de la guerre. Aujourd'hui ces voix résonnent
lointainement, comme si elles venaient d'une autre vallée. L'anxiété ne manque pas, mais elle ne prévaut pas. Ce qui prévaut, c'est l'
inconsistance, une inconsistance meurtrière. C'est l'âge de l'inconsistance.
Ce livre, le neuvième d'une œuvre en cours d'élaboration, est étroitement relié à sa première partie, La ruine de Kasch (Du monde entier, 1987),
où l'on rencontre l'expression "l'innommable actuel", précédée et suivie par deux lignes blanches. À la place de ce blanc il y a maintenant un
livre.