Aujourd'hui nous vivons un nouveau stade de la longue histoire de l'évolution technique de l'humanité : le stade du capitalisme hyperindustriel. Depuis le XXe siècle, l'homme n'a cessé de vivre les bouleversements des conditions de la temporalité, c'est-à-dire aussi bien de son individuation. Ce nouveau stade induit déjà une profonde transformation de nos existences. Loin de disparaître, l'industrialisation se poursuit et se renforce, elle investit de nouveaux champs, invisibles, qui vont des nanostructures jusqu'aux fondements neurologiques de l'insconscient, en passant par les biotechnologies : les champs de l'hypermatériel, où la matière est toujours déjà une forme (comme au niveau quantique), où la forme est toujours déjà une information (c'est-à-dire un état transitoire de matière produit par un matériel) et où l'" immatériel " apparaît pour ce qu'il est : une fable qui enfume les esprits. Bernard Stiegler formule à nouveaux frais les enjeux des technologies culturelles et cognitives, mais aussi des biotechnologies et des nanotechnologies. Elles ne vont pas sans péril pour l'humanité, pour le " devenir non inhumain " de l'espèce humaine, comme il l'écrit. Demain, l'homme sera-t-il désemparé de lui-même, de sa conscience et de sa libido, ou saura-t-il exister avec les technologies de l'hypermatériel ? S'il se laisse subsumer, s'il laisse son désir être capté par les puissantes machines et réseaux qui cherchent déjà à instaurer un psychopouvoir, l'une des conséquences pourrait bien être l'auto-destruction du capitalisme, déjà bien engagé sur cette pente. Bernard Stiegler n'est pas un technophobe. Il n'en est que plus autorisé à nous alerter.