Ce livre est d'abord l'histoire des relatives tolérances envers la violence sexuelle dans la France ancienne, celles qui enveloppent de surcroît la victime dans l'indignité de l'acte et tendent invinciblement à la condamner. Il faut du temps pour que change la vision du viol dans la jurisprudence ou la loi à la fin du XVIIIe siècle. Et aussi la reconnaissance, au XIXe, de la violence morale, celle des peurs et des menaces caractérisant souvent le viol.
Impossible pourtant de s'en tenir aux seuls changements de la loi. Cet ouvrage retrace aussi l'histoire des obstacles opposés à cette conscience juridique. C'est avec les enfants d'abord que change fortement au XIXe siècle la réalité des procès : cas plus nombreux, condamnations plus fermes, recensements plus précis. Il faut les repères d'aujourd'hui portant, l'égalité nouvelle entre hommes et femmes, la suspicion sur les pratiques de domination pour que soient bouleversés les jugements anciens. Il faut plus encore une attention particulière à l'espace psychique et au mode intime pour que les effets du viol soient totalement reconsidérés. On peut alors mesurer, pour les cas sur l'enfant, toute la distance entre les procès dd XIXe siècle rapportant la gravité de l'acte au risque de débauche et les procès d'aujourd'hui rapportant cette gravité au risque de « meurtre psychique » ou de ravage intérieur.