Partir — peu importe la destination. Fuir — échapper au pire, même si c'est aller vers le médiocre. Voilà qui semble être l'incessant destin d'Emmy. Autant son passé est léger en informations, autant il pèse lourd sur le présent de cette femme archi discrète qui ne se plaint jamais de rien. Qui ne réclame jamais rien. Et pourtant, personne ne sait mieux qu'elle prendre soin des délaissés et des esseulés de la terre. De ceux qui n'attirent plus le regard ou l'attention des bien portants. Ces désertés que la société isole dans des conditions minimalistes où la propreté n'est pas la seule lacune, loin de là. Jacky, une des personnes affaiblies dont s'occupe Emmy, s'avère une alliée inattendue. C'est avec un regard respectueux et perçant qu'elle observe la préposée aussi efficace que silencieuse. Sans Jacky, cette batailleuse acharnée qui sait clouer le bec aux mensonges et démolir les préjugés, cette femme qui ne craint plus rien, sans Raymonde et ses trésors culinaires parfaitement à l'image de son humanité, que serait le destin d'Emmy, cette femme étrange et pourtant si attachante, cette femme venue du fond noir de notre passé, celle dont même le prénom provient d'un malentendu? Avec ce roman plus poignant que jamais, Marie Laberge nous happe et, d'un trait vif, nous propulse au cœur des ténèbres et au-delà, dans un récit qui suscite en nous l'étonnement, l'impuissance, la révolte, mais surtout l'espoir.