Le 1er mars 1881 Alexandre II, empereur de Russie depuis un quart de siècle, était assassiné. Ses meurtriers prétendront avoir rendu la justice
au nom du peuple. Alexandre II était pourtant celui qui en 1861 avait donné la liberté au peuple en arrachant les paysans au servage, comme
presque au même moment, aux Etats-Unis, Lincoln abolissait l'esclavage. Ces grands libérateurs l'ont payé de leur vie.
Mais ce règne est plus encore un temps d'exception pour la Russie attardée. Alexandre II a entrepris de rattraper l'Europe dans tous les
domaines par un programme général de réformes, perestroïka du XIXe siècle qui préfigure celle de Gorbatchev à la fin du XXe siècle et qui se
heurtera aux mêmes difficultés. Dans les mêmes années, une politique étrangère hardie a restauré la puissance russe brisée par la guerre de
Crimée, et agrandi remarquablement l'espace de l'Empire.
Le célèbre roman d'amour du « tsar libérateur » et de Katia a parfois fait oublier que ce règne a été le « printemps de la Russie ». C'est le meurtre
du 1er mars qui a empêché ce pays d'entrer dans la voie de la monarchie constitutionnelle et de devenir politiquement semblable aux autres
pays d'Europe.
Révolution par en haut plutôt que révolution par en bas, tel a été l'enjeu du projet d'Alexandre II. Assassiné, il n'a pu aller au bout de son œuvre,
mais il a « révolutionné » la Russie plus qu'aucun tsar.
Historienne de la Russie, Hélène Carrère d'Encausse, membre depuis 1991 de l'Académie française, dont elle est secrétaire perpétuel, a
notamment publié aux éditions Fayard La Gloire des nations, Le Malheur russe, Nicolas II, Lénine, Catherine II et L'empire d'Eurasie.