Le 14 frimaire an II, la Convention ordonna le dessèchement et la mise en culture immédiats de la quasi-totalité des étangs en France. Le décret,
présenté comme une nouvelle arme mise au service de la République en guerre, avait été adopté à l'issue d'un débat houleux, au cours duquel
Danton s'était écrié, pour vaincre les résistances de l'assemblée : « nous sommes tous de la conjuration contre les carpes ».
En effet, d'un point de vue pratique, la mesure signifiait la disparition brutale de l'élevage et du commerce du poisson d'eau douce, qui
contribuaient pourtant à faire vivre de nombreux terroirs, voire des régions entières, telles la Dombes, la Sologne ou la Brenne.
D'un point de vue juridique, elle signifiait l'obligation, pour les propriétaires fonciers concernés, de renoncer définitivement à un mode de mise
en valeur de la terre qu'ils avaient choisi en connaissance de cause.
Comment la carpe a-t-elle pu devenir, aux yeux du législateur, un animal contre-révolutionnaire et la pisciculture un symbole de l'Ancien Régime
? C'est ce que ce livre se propose d'élucider. Une telle investigation suppose d'abord de décrire ce qu'était l'univers des étangs en France au
XVIIIe siècle, pour comprendre les critiques formulées à l'encontre de cette forme de mise en valeur de la terre et pour mesurer les enjeux
représentés par une politique de dessèchement. Elle implique ensuite de rendre compte du débat né au sujet des étangs, dans le milieu
académique, dès les débuts du règne de Louis XVI. Elle exige enfin d'expliquer les circonstances qui ont permis au discours contre les étangs
de trouver aussi rapidement une traduction législative. Avec ce livre brillant et suggestif, les étangs ont trouvé leur historien.