Le 17 décembre 2010, à Sidi Bouzid, une ville du centre de la Tunisie, Mohamed Bouazizi, vendeur ambulant de fruits et légumes, s'immole par le feu - et embrase le monde arabe. Les régimes de Ben Ali, Moubarak, Kadhafi sont précipités dans les flammes, et l'incendie porte à Bahreïn, au Yémen et jusqu'en Syrie. En deux ans, les révolutions ont abattu des dictatures, mais fréquemment porté au pouvoir les Frères musulmans. Le salafisme prolifère, nourri du désenchantement de jeunes et de déshérités dont la pauvreté s'est accrue. Et al-Qaida, qu'on croyait enterrée, resurgit de la Syrie au Mali. Que sont devenues la liberté, la démocratie, la justice sociale revendiquées par les "printemps arabes" ? Quel est le rôle des pétromonarchies du Golfe dans l'arrivée au pouvoir des partis islamistes ? Pourquoi le conflit entre sunnites et chiites est-il en train de détourner l'énergie des révolutions, tandis que la Syrie s'enfonce dans des souffrances inouïes ? Pour comprendre, Gilles Kepel est retourné partout - Palestine, Israël, Egypte, Tunisie, Libye, Oman, Yémen, Qatar, Bahreïn, Arabie saoudite, Liban, Turquie, Syrie, Kabylie - et a rencontré tout le monde - salafistes et laïcs, Frères musulmans et militaires, djihadistes et intellectuels, ministres et fellahs, diplômés-chômeurs et rentiers de l'or noir... De ce périple, il a rapporté ce Journal.