Joseph Caillaux. Ce nom est aujourd'hui largement et injustement oublié. Oublié le grand ministre des Finances et le combat opiniâtre qu'il
poursuivit de 1899 à 1914 pour doter la France d'une fiscalité moderne, techniquement efficace, socialement équitable, par la création de l'impôt
sur le revenu. Oublié le « coup d'Agadir » de 1911 : confronté en tant que chef du gouvernement français à une crise majeure provoquée par l'
empereur d'Allemagne, Caillaux sut éviter la guerre programmée par les boutefeux des deux côtés de la frontière. En revanche, on se souvient
encore de l'assassinat, le 16 mars 1914, de Gaston Calmette, directeur du Figaro, par Mme Caillaux. Le quotidien menait depuis trois mois une
campagne d'une violence inouïe contre son mari. Grand favori des élections législatives d'avril 1914, Caillaux était pour la droite et pour les
partisans de la « revanche » l'homme à abattre. Derrière la campagne de Calmette, il y avait Raymond Poincaré, Louis Barthou, Aristide Briand
et, selon toute apparence, la Russie tsariste. La preuve n'a jamais été apportée de la machination ourdie par ce clan contre Caillaux. Aussi bien
ce récit, scrupuleusement respectueux des faits historiques avérés, ne présente leur complot que comme la plus crédible des hypothèses, sur
la base de présomptions à vrai dire accablantes. Les conséquences du geste irraisonné d'une femme qui croyait rendre service à son mari
furent désastreuses. Sa première victime était Calmette ; la deuxième Caillaux lui-même, dont la carrière et les ambitions furent brisées net. La
troisième. la paix !