Humble et orgueilleuse, Annie Saumont poursuit avec obstination une des œuvres les plus singulières de la littérature française contemporaine.
Dans ce nouveau recueil, Annie Saumont continue son exploration implacable et tendre de l'âme humaine. Sa méthode ne varie jamais. Au gré
de faits divers ou d'anecdotes glanés ici et là, Annie Saumont construit de brefs récits envoûtants dont les personnages – enfants mal-aimés,
délinquants en puissance, criminels involontaires, couples adultères ou rongés par l'ennui, solitaires en quête de l'âme sœur – forment un
tableau sombre et poignant de l'humanité. Brimés par l'existence, acculés au désastre, tous les anti-héros d'Annie Saumont sont pourtant bien
debout, capables de conter leur infortune avec une désarmante franchise, comme si chacun n'était que le spectateur étonné de son propre
destin. Par-delà le choix de sujets graves traités sur un ton désinvolte, l'originalité du travail d'Annie Saumont réside dans l'invention d'un style
unique, à la fois minimaliste, oralisé, et d'une minutie extrême, grâce auquel les thèmes les plus difficiles deviennent soudain limpides, voire
enfantins. Dans chacun de ses récits, Annie Saumont confirme le vieil adage populaire selon lequel " le diable gît dans les détails ". En partant
d'un geste, d'une parole, de la présence ou de l'absence d'un objet, elle parvient à mettre en lumière la logique inconsciente d'un personnage.
Opposée à tout jugement sur les êtres dont elle transcrit le désarroi, Annie Saumont montre comment le hasard des circonstances,
apparemment insignifiant, peut précipiter la chute d'un individu. Maîtresse dans l'art de créer un suspense captivant sur une quantité réduite de
pages, Annie Saumont n'hésite pas à laisser le lecteur combler les blancs de ses récits. Mais ce qu'elle aime par-dessus tout, c'est bousculer la
grammaire, tordre la syntaxe, bannir les virgules quand elles freinent le rythme de la narration, faire fi des négations, se régaler d'anglicismes
ou du langage des rues, et oser l'insolence de ne pas toujours finir ses phrases. Certes, Annie Saumont est une rebelle, mais qui connaît la
méticulosité de son travail sait aussi que, dans ses textes, chaque mot n'a qu'une seule place possible : celle qu'il occupe.