Parce qu'ils avaient laissé mourir faute de soins leur quatrième enfant, Ginette et Claude Bac furent condamnés à sept ans de réclusion par la
cour d'assises de la Seine en juin 1954. Cassé pour vice de forme, le jugement fut ramené lors d'un second procès à deux années, couvertes
par leur détention. La gynécologue Marie-Andrée Lagroua Weill-Hallé y témoigna en leur faveur, ce qui fut déterminant. Quelques mois plus tard,
elle fondait la Maternité heureuse qui devint le Planning familial.
De l'affaire des époux Bac, toujours mentionnée en quelques lignes dans les ouvrages d'histoire pour avoir été un facteur déclenchant des
mouvements en faveur de la contraception, on ne savait presque rien. Danièle Voldman et Annette Wieviorka font le récit du drame vécu par ce
jeune couple ouvrier de Saint-Ouen, des " gens sans importance " que des grossesses rapprochées accablèrent.
Elles racontent aussi comment les partisans de la légalisation de la contraception se sont emparés de ce désolant fait divers, devenu fait de
société. Les déclarations de Marie-Andrée Lagroua Weill-Hallé au procès ont brisé un tabou, ouvert une brèche qui a libéré la parole des femmes
et mis au jour leurs souffrances. L'opinion en a été bouleversée. Le débat public ne s'est plus refermé jusqu'au vote de la loi Neuwirth en 1967,
une révolution dans l'histoire des femmes.
Danièle Voldman et Annette Wieviorka sont directrices de recherche émérites au CNRS. Elles sont les auteures de nombreux livres.