Rue Rémy-Dumoncel, dans le quatorzième arrondissement de Paris, se trouve un immeuble blanc – une modeste maison de retraite baptisée Le Tiers-Temps. Au milieu de la cour recouverte d'un gazon en plastique, un arbre solitaire. Parmi les résidents venus vivre ici leurs derniers mois, un grand échalas, au visage sombre mais aux yeux encore perçants, joue avec ses souvenirs où se mêlent deux langues, l'anglais de son Irlande natale et le français de son exil littéraire. Ce vieux monsieur s'appelle Samuel Beckett. Ce premier roman dévoile un Beckett surprenant, attendant la fin (un comble), devenu pour ainsi dire l'un de ses propres personnages. Avec une délicatesse et une justesse de chaque instant, Maylis Besserie fait résonner, par la fiction, la voix caustique et lucide du grand Sam. Le charme opère et l'on voit défiler les épisodes qui ont marqué sa vie : l'amitié avec son maître James Joyce ; sa liaison avec la fille de ce dernier, Lucia ; la complicité avec son éditeur, Jérôme Lindon ; les premières représentations de Godot ; la grâce de l'écriture et la déchéance d'un corps à bout de souffle ; mais aussi la vie quotidienne au Tiers-Temps, où Beckett a réellement résidé, mise en scène à travers les rapports d'infirmiers ou de médecins, et les monologues du vieux Sam, où l'humour, intact, rageur et ravageur, se mêle à la plus poignante mélancolie. On est saisi par une émotion grandissante à mesure que le roman accompagne le grand Irlandais vers son dernier silence.