Jean-pierre Alaux - Crise aigue dans les Graves

Bordeaux, d�ordinaire si prompt à s�endormir, s�ébrouait enfin. Dans la douceur inespérée d�un printemps qui tardait à venir, la ville faisait un effort pour s�encanailler à la faveur de la nuit. La rue du Parlement-Saint-Pierre grouillait de monde et une équipée d�étudiants hirsutes braillait à tue-tête des airs de fêtes landaises dont on ne comprenait qu�un mot sur deux. Ils se tenaient par les épaules et zigzaguaient entre les passants, bouche béante, chemise ouverte, la nuque rejetée en arrière, l��il aussi rouge que leur trogne. Quelques couples attablés les regardaient d�un air amusé en sirotant un Lillet blanc pour les plus classiques, un malbec de la vallée du Lot pour les plus aventureux. D�autres faisaient mine d�être occupés en piquant du nez dans la carte ou sur l�écran glacé de leur téléphone.