On nous le répète tous les jours : il faudrait « briser les corporatismes » pour « débloquer » la société française Synonyme d'égoïsme le corporatisme évoque des groupes arc-boutés sur la défense de leurs avantages acquis (ou « privilèges ») et faisant fi de l'intérêt général ou bien des lobbies défendant leurs intérêts particuliers de façon plus ou moins occulte Mais en même temps on déplore tout autant la faible organisation de la société civile en France la faible représentativité des syndicats ou des associations et le manque de dialogue social : du coup bien des problèmes qui sont ailleurs réglés par la négociation collective incombent finalement à l'état appelé à la rescousse Pour comprendre ce paradoxe il faut remonter à la Révolution française (qui abolit les corporations de métiers en 1791) Depuis lors la culture politique libérale et républicaine s'est toujours montrée hostile à l'expression des intérêts collectifs des groupes ou des « communautés » Mais on ne peut pas faire comme si ces groupes n'existaient pas De même on ne peut pas se contenter d'utiliser le repoussoir de Pétain et du corporatisme réactionnaire de Vichy Ce livre tente de montrer qu'il existe en France aux XIXe et XXe siècles une tradition corporative sous-jacente sans cesse déniée mais beaucoup plus riche et diverse que la caricature qu'on en donne généralement Les apports croisés d'historiens français et américains offerts ici permettent de tordre le cou à bien des clichés et éclairent les origines du malaise social contemporain.