Un livre dérangeant ! Ne respectant décidément aucune idée reçue, Gould s'en prend ici à notre image d'une nature dont l'histoire serait régie par une logique de progrès. L'évolution, montre-t-il, n'est pas cette inéluctable marche vers une complexité et une subtilité croissantes qui, partant des formes les plus simples, culminerait triomphalement par l'apparition de ce chef d'œuvre, l'Homme. C'est en vérité la notion de progrès dans toute sa généralité qui est mise à l'épreuve par cet essai original, certainement l'une des œuvres majeures de l'auteur et une importante contribution à la culture contemporaine.
A l'aide d'exemples tirés des sciences naturelles (grandeur et décadence des chevaux), de son expérience personnelle (sa lutte victorieuse contre une maladie grave) et de l'histoire sportive (la prétendue baisse de niveau du base-ball), Gould nous montre l'impossibilité d'interpréter correctement l'évolution de tout phénomène si l'on ne prend en compte tout l'éventail de ses variations. Ainsi, réduire l'histoire de la vie à celle des organismes les plus complexes est gravement méconnaître la nature même de la théorie de l'évolution, et la portée radicale de la vision darwinienne.
La forme de vie dominante sur Terre (et peut-être ailleurs ?) est, a toujours été et restera, celle des bactéries. L'apparition d'une vie intelligente et consciente n'était ni nécessaire, ni prévisible. Loin de nous décevoir, cette contingence de l'existence humaine, ainsi révélée par la science, ne fait qu'en rehausser la grandeur.