Pas facile d'affirmer sa différence quand on vient d'un milieu rural et pauvre. Un récit d'apprentissage fulgurant, sans doute autobiographique.
Avec des descriptions précises et courtes, des détails crus parfois insoutenables, Edouard Louis nous fait pénétrer sans pathos un milieu peu fréquenté dans les romans d'aujourd'hui : la France des petits Blancs humiliés de nos provinces laminées par la crise. Du coup, l'émotion maîtrisée n'en est que plus violente. Ecrit à la première personne, le récit est sans doute autobiographique. Désormais élève à l'Ecole normale supérieure où il étudie, à 21 ans, la philosophie et la sociologie, l'auteur y raconte trop intimement la différence. Celle des oubliés de la croissance, celle des marginaux du sexe. Les premiers n'ont même plus les mots pour la dire et martyrisent volontiers les seconds. Ça n'empêchera pas Eddy d'accepter peu à peu son homosexualité.
Rares sont les témoignages littéraires d'un tel parcours. L'énergie, la lucidité qu'y met Eddy/Edouard font de ce fulgurant premier livre un roman d'apprentissage lumineux malgré les ténèbres, plein d'amour à donner malgré la cruauté. Et la finesse d'une langue superbement tenue crée l'épouvante sans s'y complaire, l'espoir sans y plonger tout à fait. Un livre comme en suspens, diaboliquement vivant.