Pour la première fois, un historien définit la notion de tabou en Histoire, et nous propose, au travers de ce prisme, une lecture passionnante de grands moments historiques.
Les notions de tabous et d'interdits constituent un angle d'observation privilégié pour l'étude de nos sociétés. Les silences de l'histoire ne sont-ils pas autant l'histoire que l'Histoire? Débusquer ces silences, comprendre pourquoi ils se sont perpétués, tel est le projet de Marc Ferro, qui va les rechercher loin dans la tradition chrétienne, républicaine ou communiste. À côté des silences de la honte, liés aux défaites ou aux crimes de guerres ou de la colonisation, qu'il rappelle, il en existe d'autres plus circonscrits et plus complexes. Plus inattendus aussi... En 1980, invité aux "Dossiers de l'écran", Marc Ferro s'apprête à révéler sur Jeanne d'Arc des éléments biographiques inédits, à propos notamment de ses préférences sexuelles, quand il se rend compte qu'aucun des participants présents ne pourrait "entendre" son propos. Un propos qui n'aurait pas modifié l'approche historique mais qui, en la circonstance, aurait choqué. De là est né son intérêt pour ces "silences de l'histoire", qui éclairent bien souvent les faits historiques. On sait depuis le xve siècle que c'est sur la fausse donation de Constantin que s'appuie la primauté du pape... Il est également notoire que le pouvoir obtenu par Lénine en octobre 1917 est fondé sur un faux... Mais ces faits, on ne les mentionne pas. De même, jusqu'à peu, il était impensable d'évoquer la vie privée des grands hommes. De Marx, en particulier, dont le comportement semblait bien éloigné de sa doctrine. Des guerres de religion aux nombreux tabous concernant la Deuxième Guerre mondiale, l'Histoire a enterré plus d'un "silence".