Poser clairement et sans faux-fuyants la question de la morale sexuelle - c'est-à-dire de la place de l'interdit - dans une société moderne, telle est l'ambition de ce livre. Depuis près d'une génération, nous vivions dans l'illusion que cette question ne se posait plus. Aujourd'hui, l'illusion se dissipe, mais un étrange et tumultueux désarroi la remplace. Ne sachant plus très bien où elles en sont, nos sociétés cherchent douloureusement leurs repères. Nos débats, à ce sujet, s'enferment immanquablement dans une alternative que je refuse : permissivité claironnante ou moralisme nostalgique. Nous n'aurions d'autres choix que celui-ci. Je voudrais, pour ma part, tenter de regarder cette question en face, d'en mettre à plat - pacifiquement - les principales données, tout en rectifiant les mille contrevérités qui sont le plus souvent répandues dès qu'il est question de sexe. Quantité de disciplines aussi différentes que l'histoire, la psychanalyse, l'anthropologie, la théologie, la philosophie politique, la démographie, l'économie, la criminologie - pour ne citer que les principales - s'intéressent à la sexualité, mais sans guère communiquer les unes avec les autres. J'ai donc pris le pari - risqué - de revisiter patiemmenent ces différents savoirs, avec le maximum d'attention et avec le souci constant de " produire nies preuves ". Quant au titre du livre, c'est à Platon que je l'ai emprunté. Dans Les Lois, Platon fait l'éloge du plaisir, mais considère néanmoins comme faible et critiquable l'homme qui laisse le " tyran Eros " s'introniser dans son âme pour en gouverner, quotidiennement, tous les mouvements...