Depuis le XVIIe siècle, l'être humain est passé du statut de sujet à celui d'individu. Cette évolution concerne aussi le bébé, sur lequel le regard a changé. À partir des années 80, celui-ci est vu comme une personne, abstraction faite de son état de dépendance primitif. Unique, doté d'un potentiel à développer, l'enfant est d'emblée érigé en un individu dont le désir s'impose. La verticalité disparaît, et avec elle le principe d'autorité traditionnelle. La question de l'identité apparaît alors telle qu'elle se pose aujourd'hui, où l'individualisme triomphe. Aussi, la nécessité d'affirmation de soi face à toute contrainte implique de « choisir » son identité, quitte à en passer par des options radicales.
Insistant sur la dimension sociale de l'individu, Daniel Marcelli met en garde contre une éducation qui fait primer le « rapport à soi » de l'enfant sur son « rapport à autrui ». Le rôle des parents est aussi de lui apprendre, avec la capacité de choisir, le renoncement et la frustration, de l'initier au principe de réalité. Si chez l'individu le « moi d'abord » occulte le rapport à l'autre, le lien social risque d'être menacé et la société d'en payer le prix.