Au printemps 1917 des mutineries secouent l'armée française sur le front. Elles n'avaient pas jusqu'alors donné lieu à une étude détaillée des mutins eux-mêmes, dans le surgissement de l'événement, lorsqu'ils s'organisent spontanément, manifestent, voire envisagent de " marcher sur Paris ". Dans les débats entre historiens sur les raisons de la ténacité des combattants, l'ouvrage apporte une pièce manquante, à travers la restitution au plus près de la rupture inouïe de l'obéissance et du consensus. Les mutineries s'inscrivent dans la continuité des refus de guerre esquissés et inaboutis depuis 1914. Dès lors que le conflit s'installa, après la bataille de la Marne, dans la durée, on vit se développer à l'échelle individuelle des stratégies d'évitement de la remontée aux tranchées et au danger, les aspirations au retour rapide au foyer, le doute jeté sur la rhétorique patriotique, les propos critiques et revendicatifs de soldats qui n'oubliaient pas qu'ils étaient aussi des citoyens. André Loez redonne toute leur place aux hésitations des soldats, partagés entre dégoût du conflit et impératif du devoir; aux incertitudes des officiers, entre désarroi et sévérité; à la force de l'institution militaire, brièvement défiée; et à la difficile action collective dans le cadre improbable d'une armée en campagne.