La caractéristique fondamentale de l'organisme humain paraît être l'association originale, dans la création de structures nouvelles, des éléments mémorisés et imposés par l'expérience abstraite de l'environnement. Cette faculté d'imaginer ne le libère pas de ses déterminismes génétiques, biologiques, sémantiques, économiques et socio-culturels, mais lui permet d'en prendre conscience. L'homme a pu voler à partir du jour où il a découvert les lois de la gravitation. Il ne s'est pas pour autant libéré d'elles, mais a pu les utiliser à son avantage. En ne plaçant ses espoirs, que dans la transformation, par ailleurs indispensable, de son environnement socio-économique, il ne résoudra qu'imparfaitement le problème de son aliénation. Seule la connaissance de ses déterminismes biologiques et de leur organisation hiérarchisée, lui permettra la transformation de sa structure mentale, sans laquelle toutes les révolutions risquent d'être vaines.
Extrait
"De toute façon, il sera sans doute possible de former en grand nombre les découvreurs dès lors que la créativité non seulement ne sera plus châtrée dès le départ, mais encore sera encouragée, dès lors qu'un environnement favorable à son éclosion sera créé. Or, nous avons dit que les découvreurs n'avaient peut-être pas le rôle que l'on serait logiquement tenté de leur accorder dans l'évolution humaine. Nous avons dit qu'ils n'étaient que les témoins prématurés des temps à venir. Qu'ils naissaient isolément à la conscience, noyés dans l'inconscience de leurs contemporains. Mais il n'en serait pas de même si ces découvreurs naissaient en grand nombre. La société qui aura compris l'intérêt de les susciter, celle qui mettra ses efforts à réaliser l'environnement favorable à leur éclosion, sera non seulement assurée de survivre, mais assurée de rendre la première un service capital à l'humanité."