Mohammed ben Abdallah at-Tandji, que nous connaissons sous son surnom d'ibn Batouta, est né en 1304 à Tanger, la grande ville du nord du Maroc, située sur le détroit de Gibraltar, au carrefour de l'Europe et de l'Afrique, de la Méditerranée et de l'Atlantique. À l'âge de vingt et un ans, il quitte son pays pour aller accomplir le pèlerinage à La Mecque comme tout bon musulman qui en a les moyens. Jusque là, rien d'exceptionnel. Ce qui est moins banal, c'est qu'il ne rentre chez lui que vingt-huit ans plus tard, en 1353, après avoir sillonné le Moyen-Orient arabe, turc et iranien, après avoir brièvement visité la « corne de l'Afrique » orientale, après avoir longuement séjourné en Inde et être allé jusqu'en Chine. Après un premier retour au Maroc, il fait encore un voyage en Afrique noire, vers le fleuve Niger. Rentré définitivement dans son pays, il raconte ses voyages au scribe Mohammed al-Kelbi, un peu comme l'avait fait avant lui le marchand vénitien Marco Polo, une cinquantaine d'années auparavant. Son récit est moins connu que celui de l'Italien, qui est allé lui aussi jusqu'en Chine, mais constitue un témoignage à la fois important et captivant sur le monde musulman du XIVème siècle. Ibn Batouta meurt au Maroc en 1377.
" Dans ce lieu-là, nous vîmes la sangsue volante, que les indigènes appellent zoloû. Elle se tient sur les arbres et les herbes qui se trouvent dans le voisinage de l'eau, et quand un homme s'approche d'elle, elle fond sur lui. Quelle que soit la place du corps de cet individu sur laquelle tombe la sangsue, il en sort beaucoup de sang. Les habitants ont soin de tenir prêt, pour ce cas, un limon dont ils expriment le jus sur le ver qui se détache de leur corps ; ils raclent l'endroit sur lequel il est tombé avec un couteau de bois destiné à cet usage. On raconte qu'un certain pèlerin passa par cette localité, et que des sangsues s'attachèrent à lui. Il montra de l'impassibilité, et ne pressa pas sur elles un citron ; aussi tout son sang fut épuisé et il mourut. Le nom de cet homme était Bâbâ Khoûzy, et il y a là une caverne qui porte le même nom. "