L'effacement des grandes normes religieuses et politiques nourrit le mythe d'une société peuplée d'individus isolés, autonomes, indépendants les uns des autres. Ce contresens fonde une vision du progrès et de l'action publique de plus en plus centrée sur l'individu, sur l'"autoréalisation de soi", oublieuse des liens profonds que les personnes continuent d'entretenir les unes avec les autres. Ce livre montre que l'influence des autres sur la vie de chacun reste considérable. Elle continue à prendre le visage du conformisme, cette tendance à faire comme ceux dont nous voulons rester proches pour, précisément, ne pas nous retrouver coupés d'eux. Menacé par la désocialisation, l'individu contemporain est exposé comme jamais au besoin de suivre les autres, pour ne pas s'en trouver davantage éloigné. Cette "loi de grégarité" se vérifie dans la famille, mais aussi à l'école, sur les lieux de travail, dans les supermarchés ou encore dans les prisons. En envisageant les individus comme de purs atomes sans racines, les politiques contemporaines n'atteignent pas la société comme elles pensent le faire. Promouvoir la mixité sociale sans tenir compte des liens qu'elle brise peut alors s'avérer contre-productif.