C'est sous forme de lettre-fleuve qu'Owen Brown, le troisième fils du célèbre abolitionniste américain John Brown, répond à la demande d'informations que lui a adressée une étudiante de Columbia University, assistante d'un illustre biographe et historien. Owen Brown est maintenant ce très vieil homme qui s'affronte enfin à l'image formidable d'un père de légende en retraçant peu à peu, au fil de souvenirs parfois sereins mais le plus souvent violents et tumultueux, ce que furent la vie, le caractère et l'engagement de son père. Loin de la vision héroïque et purement historique véhiculée par les centaines d'essais traitant de la lutte pour l'abolition de l'esclavage, le tardif récit filial approche, de l'intérieur, un autre John Brown : le père de famille nombreuse, à la personnalité écrasante, fanatique, autoritaire, le puritain confit en religion, l'agitateur qui dérive vers l'action armée et le terrorisme avant de devenir le capitaine d'une sanglante guérilla dont il sera le martyr. Mais le personnage le plus complexe n'est peut-être pas celui qu'on pense. Dans sa peinture de cette monumentale figure paternelle, dont l'idéalisme fanatique détruit tout - et tous - sur son passage, le fils, Owen Brown, révèle ce qu'il advient de ceux qui entrent dans le champ magnétique de pareil prophète.
Mêlant l'histoire et la fiction avec un incomparable bonheur narratif, Pourfendeur de nuages n'est pas seulement un immense roman sur la question, toujours actuelle, de la race et du racisme, des rapports entre idéalisme et fanatisme. C'est aussi une lente plongée dans une période particulièrement agitée de l'histoire américaine - celle qui précède la guerre de Sécession - et un inoubliable tableau de la vie quotidienne rurale, âpre et austère, qui fut celle des pionniers au sein d'une nature rude et sauvage dont l'omniprésence a façonné le paysage intérieur de l'Amérique.