Avec ce recueil de nouvelles (chacune un vrai roman en soi) et qui pourrait s'intituler Terreurs tranquilles, Joyce Carol Oates prouve encore, s'il en était besoin, son incontestable maîtrise du genre. En proie dès le début à un malaise grandissant, impossible à analyser, l'innocent lecteur devient la victime consentante d'une panique subtile qui finit par le laisser, au bout de ces récits, pantelant d'angoisse, incapable de distinguer un bonheur entrevu d'un malheur définitivement en marche. Froide et sans pitié, souvent sournoise, la violence approche, inexorable. Tout ce qui peut traverser la vie en manière de sentiments est là, semble-t-il, pour la nourrir : le désespoir - et le secret délice - d'aimer plus que l'on ne l'est en retour, (Coeur sutra) les passions génératrices de frustrations mortelles (Vigilante), (Vice de procédure), les obsessions érotiques fatales (Magda Maria), les liens familiaux cruellement distendus (Vigilante) ou pervertis (L'aveugle). Dans tous les cas - (et plus particulièrement dans Cher époux) -, les couteaux, longs, minces et tranchants sont tirés. Prêts à servir.