Dans l'Essai sur les règnes de Claude et de Néron, dernier texte publié de son vivant, Diderot dresse un portrait élogieux du philosophe Sénèque, dont l'action et les préceptes devraient être, selon son apologiste, l'objet d une égale admiration. Exploitant l'opinion des uns, contestant les parti-pris des autres, le défenseur du sage stoïcien tente de donner de l'éclat à l'action du philosophe et de pousser le lecteur à partager son enthousiasme. Toutefois, l'univocité du discours ne peut cacher une interrogation de Diderot sur la réussite du programme qu il s est fixé. Cette étude sur l'apologie de Sénèque s'efforce de montrer que ce questionnement est en bien des points comparable à celui qui hante Rousseau dans ses Dialogues. Inquiets de voir certains préjugés prendre la forme de vérités incontestées, Diderot et Jean-Jacques veulent fixer pour la postérité une image favorable, presque idéale de l'homme qu'ils défendent. Dans le sillage d'un auteur dont l'objectif principal est de démontrer son innocence absolue, le défenseur de Sénèque ne se résout pas à ne pas avoir le dernier mot, révélant, au-delà de l'importance d'un enjeu qui dépasse le cadre de l'Antiquité romaine, une facette étrange et inattendue de son personnage.