"Olia, puis-je vous demander un service ? Et seulement à vous.
- Ca dépend duquel.
Bourmistrov agrippa la table, comme s'il s'apprêtait à l'arracher du sol.
- Pouvez-vous manger pour moi ? Ici. Maintenant.
- Comment ça, pour vous ?
- Je veux dire, en sorte que je puisse vous regarder. Simplement vous regarder".
Bourmistrov propose à Olia de réitérer ce rituel -la regarder manger- chaque premier lundi du mois, contre une forte rétribution. Leurs rencontres ont lieu dans un appartement ordinaire, typiquement soviétique, puis dans un appartement luxueux. La nourriture se modifie. Jusqu'au jour où le moindre aliment évoque à Olia une masse morte et effrayante, tandis que Bourmistrov s'entoure d'acolytes de plus en plus violents.
Parmi les épithètes récurrents associés à l'écriture de Sorokine, ceux qui ont trait à la cruauté sont légion. L'écriture est vive, nerveuse, efficace. La détermination de l'auteur perce à chaque instant derrière l'efficacité percutante de son style. Pas de scories, ce qui n'empêche pourtant pas le récit d'emprunter les méandres malades de l'imaginaire slave. Entre Bourmistrov et Olia, ce qui pourrait n'être qu'un jeu voyeuriste dévoile peu à peu sa teneur macabre, dont l'issue pourrait bien être fatale.