Le meurtrier avant de faire la bête, fait l'ange. Il s'allonge sur le dos dans la neige, agite ses membres comme s'il battait des ailes. Ce n'est pas un serial killer juste un paumé un peu allumé qui récite, désespéré, des psaumes. Un paumé à l'existence mise en abîme, trouée comme celles des protagonistes de ce roman, pas vraiment policier. Ses parents ne sont pas ses parents. De son vrai père, délinquant foireux, il ne conserve que le souvenir du village natal, à jamais englouti par les eaux d'un barrage. Le narrateur Arthur Parkinson essaye vingt ans plus tard de comprendre comment au moment de ce fait divers, sa vie a pu basculer. Comment les coups de feu qui atteignent mortellement Annie, son ancienne baby-sister qu'il aimait en secret, sont en fait le signal de la fin d'un monde et annoncent le départ du père. La séparation, l'instabilité des familles, voilà le fléau qui ravage cette petite ville de Pennsylvanie en cet hiver 74. Le manque d'amour, le vide spirituel, l'incommunicabilité entre les êtres voilà le pousse-au-crime. Pour résister à cela, Arthur a fait comme si bon gré, mal gré, il devait être heureux, des écouteurs sur les oreilles, Led Zep sur la platine, un pétard aux lèvres. Au psy, non plus, il n'a jamais rien dit. Aujourd'hui il continue à faire comme si, au milieu de gens du même acabit. Cette Amérique-là n'est pas très différente de notre vieille Europe. Les gens y ont des existences aussi banales que les nôtres.
Le talent de Stewart O'Nan, dont c'est le premier roman, est de se faire le chroniqueur sensible et délicat de cette tranche de vie, loin de tout clinquant, esbroufe ou marketing yankee.