Il s'agit juste d'une petite histoire, la suite aux Combattants du petit bonheur qui fut couronné Renaudot en 1977. On y retrouve bien sûr le héros, le conteur inlassable qui nous rapporte l'aventure du pauvre Jules Ribourdoir, mort au champ d'honneur sur le front de Lorraine en septembre 1944 et que son papa, patron boucher de son état, ramène dans sa vieille camionnette à gazogène afin de lui donner une sépulture décente dans le caveau familial à Gentilly. L'itinéraire est tortueux, semé d'embûches dans cette France fraîchement libérée où le général de Gaulle lui-même avait bien du mal à reconnaître les siens. Le pitoyable corbillard de Jules se fraie un difficile passage entre l'armée américaine, les divers groupes de francs-tireurs, les faux héros, les vrais tordus, la suspicion et les enthousiasmes éphémères. N'allez pas croire que vous allez vous morfondre pendant ce voyage... Pedro l'anarchiste, Jean-Paul le blondinet et Phonphonse, les soldats d'escorte, gardent l'humeur joyeuse. Il y a le vin, la boustiffe, les filles de rencontre, les bonnes plaisanteries caserneuses. On a vingt ans... beau convoyer un copain mort, la vie vous prend à bras-le-corps. Bien sûr, de temps en temps, le souvenir d'une rafale de mitraillette vous remonte à la mémoire... Une rafale partie pourquoi... Savoir ?... Pour assouvir une vengeance inutile, se passer le goût du meurtre... ou simplement parce que c'est la guerre et qu'il faut bien tuer quelques innocents. Le corbillard parviendra tout de même à bon cimetière. Pour la plus grande gloire de son père, on enterrera Jules sous les fleurs de rhétorique du camarade Jacques Duclos déplacé tout spécialement pour honorer comme il se doit un petit soldat mort pour la France réconciliée avec sa classe ouvrière.