"Comme convenu, elle arriva après l'heure de fermeture des bureaux.
Devant mes fenêtres, le jour se coucha sur le côté et la lumière mourante de novembre disparut lentement sous lui comme un matelas pneumatique qu'on dégonfle.
J'avais laissé la lumière du jour s'éteindre aussi dans mon bureau. La seule lampe que j�avais allumée était celle de ma table. Elle jetait un cône de lumière sur une pile de factures, un téléphone muet, un bloc avec mes notes d'octobre et ma tasse de café. Le café semblait, lui aussi, dater d'octobre, mais de l'eau toute neuve bouillait dans la cafetière, sur la plaque chauffante, dans un coin de la pièce.
Elle aurait du café frais, si elle en voulait. J'avais l'impression d'assister à une reprise de l'année passée. Même le calendrier était de l'année d'avant et lorsque je l'utilisais il me fallait me souvenir d'ajuster d'un cran les jours de la semaine.
La seule nouveauté était un répondeur automatique, qui constituait un agréable rempart contre les coups de fil de mes créanciers. Il avait même réussi, en plus, à me décrocher un client ou deux. En outre, j'avais à présent la possibilité - les jours creux - d'aller en ville, de m'appeler moi-même et de me confier quelques paroles aimables que je pourrais écouter pour y puiser consolation quand je rentrerai. Et les jours creux étaient légion..."