Pour ce roman, Sportès s'est inspiré d'une figure légendaire de l'espionnage un peu oubliée, celle de Richard Sorge, homme trouble, qui fut journaliste pour le Frankfurter Allgemeine Zeitung à Tokyo durant la Seconde Guerre mondiale. Un père allemand, une mère russe ; après une jeunesse communiste, l'homme, rebaptisé dans le roman Gustav Krapft mais connu par tous sous le surnom de "Herr Doktor", choisit en toute simplicité de devenir un agent double. Il le paiera cher puisqu'il sera fusillé à la fin de la guerre. Pour l'Insensé Sportès s'est documenté, a consulté les archives, s'est rendu sur place durant six mois pour se renseigner sur son homme. À la fin, il le tient. Mais en romancier avant tout. C'est pourquoi le rendu de ce curieux roman, aussi juste et précis soit-il dans la reconstitution historique, n'a rien à voir avec une biographie romancée. Richard Sorge devient un personnage de roman à part entière. Sportès l'immerge complètement dans la folie et le fracas des années 39-44. À la manière d'un peintre cubiste et d'un poète halluciné, il décrit son héros au cœur d'un monde qui éclate littéralement. Les personnages, Emma la maîtresse, Max le faux ami, ne sont mus que par leurs pulsions sexuelles, comme si la guerre les invitait au déchaînement libre de leurs passions. Roman fort, roman fourni, fouillé autant que fouillis, L'Insensé est le grand roman de Morgan Sportès.