En entendant ses pas marteler le soupirail, des images d'une violence insoutenable s'imposèrent à moi. Émergeant d'un amas de feuilles mortes, dans un sous-bois aux odeurs de terre noyée de pluie, je vis un corps d'enfant dévêtu, gisant sans vie, roué des coups et des blessures qu'il lui avait infligés. Une violente nausée me plia en deux ; j'enfonçai la porte des toilettes et, à genoux sur le sol, collée à la faïence froide, je vomis ma peur. Ensuite j'allai embrasser Maman qui dormait dans un fauteuil du salon. La neige qui avait envahi la télévision plongeait la pièce dans une pénombre électrique désolante. Trop seule je courus m'enfermer à double tour dans ma chambre et passai une nuit blanche uniquement habitée par la crainte qu'il ne revienne vers moi avec ses intentions malveillantes. Le temps qui ne s'écoulait pas ouvrait mon esprit à la compréhension de ce qu'il venait de se passer. Il avait voulu m'ôter la vie afin de sauver la sienne. Le doute n'était plus possible : mon père avait voulu me tuer, se débarrasser de moi afin que j'emporte dans la tombe, et à tout jamais, notre trop lourd secret.