En ce début du XXIe siècle, la social-démocratie traverse une crise majeure en Europe. Alors que les règles du capitalisme sont partout remises en cause par la récession mondiale, elle ne convainc plus les électeurs et désespère ses sympathisants.
Depuis la chute du Mur de Berlin, la gauche démocrate européenne peine à redéfinir son projet. Longtemps, l'existence du bloc soviétique lui a permis de se présenter comme le versant lumineux de la force obscure. Mais l'effondrement du communisme a remis en cause l'idée même qu'une autre société soit possible. Dépouillée de toute perspective historique, la gauche doit désormais se contenter d'un compromis social-démocrate dont la réalisation fait globalement consensus.
Pire, faute d'affronter les conséquences de la mondialisation et de l'individualisation, elle s'avère incapable d'adapter ce modèle aux évolutions contemporaines. Enfermée dans une vision dépassée du monde, elle réduit aujourd'hui sa conception du progrès au sauvetage de ses vieilles conquêtes.
Pour la gauche, l'urgence est donc de redéfinir un projet qui suscite à nouveau l'espérance. En partant de sa ligne de clivage avec la droite (l'appréciation différente de l'origine des inégalités entre les hommes), Manuel Valls s'efforce de dessiner les contours d'une « utopie relative » pour le XXIe siècle. Donner à chaque individu les moyens de son autonomie devrait devenir la nouvelle frontière de la gauche. Alors que la droite tend toujours à minorer les contraintes sociales, la gauche a pour mission d'aider l'homme à s'en défaire à toutes les étapes de la vie.
Mais cette lutte pour l'autonomie individuelle ne pourra être menée que si le citoyen est mieux respecté dans l'électeur. La réévaluation du projet suppose la révision de la méthode. À l'avenir, la gauche devra faire de la pédagogie la marque, le but et la force de ses discours. Partir du réel a toujours été et restera la seule manière de trouver des marges pour l'action.