Par tradition, on n'aime pas le corps dans l'histoire de la philosophie. Cette méfiance immémoriale semble, de surcroît, privilégier deux appendices qui disent la parenté de l'homme et de l'animal : le nez et le phallus. Afin de conjurer une telle proximité, l'Occident a inventé des corps purs et séraphiques, mis en forme par des machines à faire des anges : de la castration au mariage bourgeois, en passant par toutes les techniques de l'idéal ascétique. Pour Michel Onfray, un tel état de fait ne saurait durer. Et au fil d'analyses enjouées, qui ne manquent jamais ni de précision ni de clarté, il rappelle que souvent les philosophes ont découvert leurs intuitions essentielles à la suite de crises qui mettaient en jeu la machine corporelle. Ce qui revient à montrer que l'histoire de la philosophie ne se réduit pas à une pure invention de l'esprit. Poursuivant sa réflexion, il propose de dépasser la lignée morale, qui va de Platon à nos modernes contempteurs du corps, pour réhabiliter une pensée hédoniste dont l'époque éprouve le plus grand besoin. Des cyrénaïques aux enragés de Mai 68, en passant par les gnostiques licencieux, les Frères du Libre-Esprit, les libertins érudits et quelques autres, dont Sade, Fourier ou La Mettrie - qui, en son temps, écrivit aussi un Art de jouir.