En quinze ans, Antánio Lobo Antunes est devenu l'un des emblèmes du Portugal de l'après-salazarisme. A cinquante-trois ans, il fait partie de la génération qui, avec Lidia Jorge, José Cardoso Pires et José Saramago, a renouvelé depuis vingt ans les lettres portugaises, jusque-là hantées par le fantôme de Fernando Pessoa et dominées par la figure rebelle mais en définitive traditionaliste de Miguel Torga. C'est peut-être lui qui symbolise le mieux le va-et-vient entre le passé et le présent, entre le Portugal de la dictature et celui de la démocratie, avec au milieu cette fracture béante qu'a constitué la guerre coloniale en Afrique, en Angola en particulier. Antánio Lobo Antunes y a servi vingt-sept mois, entre 1971 et 1973, comme jeune médecin militaire. Sa principale occupation : l'amputation des blessés, le plus souvent à la scie de charpentier. De cette sale guerre, il aurait pu revenir infirme ou putschiste : il en revint héros et écrivain.