Parmi les Anciens, Démocrite, Épicure et Lucrèce ont eu le génie de professer que l'univers entier est une sorte d'immense Lego ! Ils enseignèrent que l'être est un et, tout à la fois, sporadique ; que la naissance est composition et la mort désagrégation ; que de minuscules éléments de construction, lesquels, pris un à un, sont éternels et immodifiables, se combinent puis se dissocient au gré de leur agitation incessante dans le vide immense.
Épicure et Lucrèce, son plus grand disciple romain, furent en outre deux maîtres de volupté : beaucoup plus que chez Démocrite, la philosophie des atomes a chez eux partie liée avec la poursuite du plaisir qu'ils identifient au bien souverain. À ce titre, ils sont résolument modernes. Comme ils le sont aussi quand ils annoncent que, dans un univers dont la Providence est exclue, dans ce Lego fait de corpuscules insensibles, chacun pourra mesurer le néant des fables qui agitent les mortels, l'absurdité des mythes relatifs aux châtiments infernaux et, ainsi, parvenir à l'idée qu'il est possible d'atteindre un bonheur intense, durable et parfait, dans les limites de la vie terrestre.