A deux heures de l'après-midi, comme un couvercle ouaté, sur le Pelvoux le silence tombe. La cure commence qui porte son nom. Aux balcons, les grands stores sont baissés. Ils protègent contre le vent, la neige, le soleil et les sons. Sur leurs lits, les malades s'allongent immobiles. Ni livres ni jeux. Il faut que le corps et l'esprit, livrés a eux-mêmes, connaissent l'absolu repos. Ils sont tous là, parallèlement alignés, comme pour une étrange revue que passe un chef invisible et sévère. Pas un bruit dans les corridors. Il est interdit de passer sur le terre-plein qui borde le bâtiment. Dans le village même les gens évitent de sortir. Alors, tandis que s'endorment les agitations, un regard intérieur s'ouvre sur les malades. Les plus frivoles n'y peuvent échapper. Du recueillement auquel chaque jour les oblige la cure, naissent des pensées vagues et sourdes. Le corps engourdi communique à l'esprit une torpeur féconde. Tout ce qui l'encombrait dans les heures passagères, les vanités, les fièvres mesquines, - tout se décante, s'apaise. Des nuages flottent. De lourds choucas s'abattent sur la neige. Comment ne pas saisir l'essentiel des choses ?