Retiré dans la vaste propriété familiale, à Bergheim, dans le Wurtemberg, un musicien célèbre refuse tout à coup de se produire en concert et annule les cours qu'il donnait jusque-là à San-Francisco et à Paris. Il revoit son enfance, cet univers déchiré entre deux langues, composé de chats, d'enfants, de vieilles demoiselles d'un raffinement d'un autre âge. Il revoit sa mère qui l'a abandonné quand il avait quatre ans, ses quatre sœurs, les cinq ou six femmes qu'il a aimées. Il découvre ce qui fait le centre, peut-être, de sa vie : l'amitié qu'il a portée à Florent Seinecé, qu'il a connu à Saint-Germain-en-Laye, dans les années soixante.
Les années passent et les scènes de rupture sont autant de vieilles retrouvailles. La sensualité cotoie la haine, l'excitation, la détresse. Des maisons et des jardins divers et merveilleux se succèdent : en Normandie, sur les bords de la Méditerranée, sur les bords de la Loire, sur les rives de Jagst ou du Neckar. C'est tout un monde. C'est toute une vie. Des êtres qui s'étaient séparés dans la violence ou dans la tristesse, dix ans après, quinze ans après se retrouvent. Les souvenirs de ceux qui se retrouvent ne concordent qu'à peine. Un souvenir en cache un autre qui lui-même cache un rêve. Des êtres qu'on a aimés plus que tout au monde meurent, et curieusement leur nom évoque quelque chose. Ils ont laissé des traces comme vivantes, inopinées, hallucinantes dans la mémoire de ceux qui les aimaient. Ce sont des souvenirs qui tout à coup mettent le sang aux joues, des couleurs qui brusquement luisent, des sons, des visages et des noms qui font soudain sauter le cœur.