Le 22 avril 1802, dans les salons de l'hôtel de Brienne, rue Saint Dominique, au cours d'une fête donnée par Lucien Bonaparte, se tient la seule et unique rencontre entre Napoléon Bonaparte et François-René de Chateaubriand. Cette rencontre n'est pas fortuite. Au contraire. Elle a été voulue, organisée, préparée. Elle marque la réconciliation de la France révolutionnaire avec le catholicisme, dont Bonaparte a été l'artisan et Chateaubriand le héraut. Au Concordat de Bonaparte répond le Génie du Christianisme de Chateaubriand." Napoléon et Chateaubriand se cherchent, se regardent, s'admirent sans jamais se trouver. Napoléon, premier homme moderne confronté à la précarité du pouvoir face à l'opinion publique, poursuit une gloire qui n'est que le masque de ses doutes. Cette quête angoissante l'a sans cesse poussé en avant. Comme un drame intérieur. Avec les conquêtes pour seul remède contre le désenchantement des Français. Tandis que Napoléon révèle son vrai visage, celui de l'intranquille au pouvoir, Chateaubriand bouleverse la littérature au génie du romantisme. Révolution du style, écriture nouvelle, empire des mots, Chateaubriand inaugure une écriture politique et donne à l'écrivain une légitimité et une supériorité qu'il n'a jamais perdues depuis. Celles des mots sur les réalités politiques. Celles du verbe sur l'action. Celles de la vérité sur les mensonges. Par un 18 Brumaire politique et littéraire, Chateaubriand et Napoléon ont écrit une nouvelle page de l'histoire de France. Dans le fracas et les tumultes de la Révolution française, du Consulat, de l'Empire et de la Restauration, l'histoire de Chateaubriand et de Napoléon est celle de deux génies ayant enfanté les deux grandes gloires de la France, qui s'opposent sans jamais s'épouser : la littérature et la politique.