La petite Agustina, à son habitude, est descendue seule sur la plage à l'aide de ses béquilles et la force de ses bras pour méditer sur l'inconstance de la vie. Il y a longtemps que sa mère, universitaire émérite partie explorer les espèces migratoires aux antipodes, l'a confiée à la bonne Nina, experte en confitures de rhubarbe, boudins au sang de mouton et autres délices. Avec pour père de substitution épisodique Vermandur le bricoleur au grand coeur, celui-là même qui vit accoucher en catastrophe la mère célibataire d'Agustina sur la banquette arrière de sa vieille automobile.
Happée par son monde intérieur, Agustina fait bonne figure, se mêle volontiers aux activités puériles ou têtues des adultes, subit avec une dignité de chat la promiscuité désobligeante des collégiens, chante d'une voix de séraphin dans un orchestre amateur et se découvre ange ou sirène sous le regard amoureux d'un garçon de son âge. Mais Agustina fomente elle aussi un grand voyage : l'ascension de la Montagne, l'élévation qui lui donnera assez de coeur au ventre pour accepter sa destinée.