" Dans le ciel de la philosophie, Spinoza n'a cessé de briller d'un éclat singulier. Ce n'est pas seulement parce que, voyant, selon le mot de Goethe, Dieu dans la nature et la nature en Dieu, il a incité - et fourni une caution métaphysique - à ces effusions romantiques pour la nature auxquelles lui©même est demeuré étranger. Ce n'est pas tant, non plus, parce qu'il incarne la spéculation pure et qu'il exprime avec force les deux traits fondamentaux de l'homme occidental : la soif de comprendre et l'amour de la liberté. C'est surtout parce qu'avec lui le désir mystique s'assouvit dans sa plénitude par le simple épanouissement de la raison. Satisfaisant par elle seule à la double exigence de l'intelligence et du coeur, la raison promeut, et le savoir absolu, qui pour l'essentiel fait de l'homme l'égal de Dieu quant à la connaissance, et la religion absolue, qui unit l'homme à Dieu dans le plus lucide des amours. Paradoxalement, la rationalité, qui ruine le surnaturel au profit d'un naturalisme intégral, comble ici la religiosité, - au-delà des enseignements diversement obscurs des religions positives,- par une mystique sans mystère fondée sur la double transparence de l'homme pour lui©même et de Dieu pour l'homme. "