De la même génération que les cinéastes de la Nouvelle Vague, Jean-Marie Straub, refusant d'aller se battre contre les Algériens, est contraint de s'exiler en Allemagne où il devient l'une des figures du " nouveau cinéma allemand " des années 60. Il co-signe tous ses films avec sa compagne et collaboratrice Danièle Huillet. La plupart des films de "Straub-Huillet" sont des mises en scènes de textes revisités : Corneille (Othon, 1969), H6lderlin (La Mort d'Empédocle, 1986), Cézanne (Cézanne, 1989), Une visite au Louvre, 2003), Kafka (Amerika, rapports de classes, 1984), Brecht (Antigone, 1991), Franco Fortini (Franco Fortini, 1976), Heinrich Boll (Non Réconciliés, 1965), Pavese (De la nuée à la résistance, 1979). Le titre de leur film : Non réconciliés/Seule la violence aide là où la violence règne, sonne comme une devise. Depuis 1965, rien n'a changé pour eux, ni l'impérialisme, ni l'exploitation n'ont disparu de l'histoire. Ils ne partagent pas l'" euphorie sinistre " d'aujourd'hui. Ils ignorent que les " idéologies " ont changé, que plus personne n'ose citer Karl Marx ou Bertolt Brecht, que plus personne ne parle de luttes de classes. Ils ne se sont jamais repentis. Leur cinéma est un défi, chaque fois renouvelé, de trouver les moyens d'un travail minutieux et têtu, celui d'un artisan qui ne pourra faire naître les merveilles du hasard que grâce à la multiplicité des répétitions, des repérages et des prises. Il leur faut surtout du temps, ils sont parmi les rares cinéastes à ne pas se laisser écraser par la vitesse. Louis Seguin suit le cinéma de Straub-Huillet depuis ses débuts, il a suivi chacun des films pas à pas, écrit, analysé et commenté l'ouvre en développement. Cet ouvrage rassemble aujourd'hui ses textes, auxquels s'ajoute celui de Freddy Buache, sur les derniers films Une visite au Louvre et Rencontres avec eux.