La philosophie de Kant se démarque de toute autre par l'obligation dans laquelle elle a placé toute pensée ultérieure de procéder à l'examen de ses propres principes. Comment réfléchir à l'origine des connaissances humaines sans poser la question des limites, dans les termes irremplaçables de la Critique de la raison pure ? Comment penser ou contester la conscience morale sans se référer à la présence en nous de la loi, que Kant tient pour un fait de la raison ? Comment dire le beau, les fins de l'humanité ou celles de l'individu sans mettre en ouvre cette faculté de juger dont Kant a su exprimer la souplesse si particulière ? Mais il y a plus.
La pensée critique apparaît comme une philosophie de la philosophie, ou pourrait-on dire de l'homme comme animal philosophique. Kant considère en effet qu'il y a au plus profond de l'être humain une tension irrépressible vers l'au-delà de l'expérience. Cette tendance à penser Dieu, la liberté, le monde, cette orientation vers l'inconditionné, voilà ce qu'il s'agit de préserver et de sauver, à la condition de savoir parer au risque de l'errance, voire du fourvoiement.
La critique s'entend dès lors comme un dispositif intellectuel destiné à dire le droit d'une disposition de l'homme à l'égard de la métaphysique. Ce livre de synthèse et de réflexion a pour mérite de fournir les clés de compréhension d'une pensée redoutablement complexe, de dégager champ par champ son importance historique précise et de faire ressortir tout ce qu'elle conserve de vif, voire d'encore inexploité pour le philosophe contemporain.
Olivier Dekens, professeur agrégé de philosophie en classes préparatoires littéraires et l'auteur de nombreux ouvrages consacrés à l'histoire de la philosophie moderne et contemporaine.