Le 17 février 1941, dans un éditorial de Life, Henry Luce, le magnat de la presse, appela ses concitoyens à faire du 20e siècle le « Siècle américain ». A ses yeux, leur devoir n'était pas seulement de placer le monde sous l'égide de l'Amérique à la façon dont le 19e siècle avait été un siècle « britannique ». Non, les Américains ne devaient plus se contenter de vendre des produits culturels et industriels.
Leur destin était de transformer le monde en y diffusant leurs idéaux : « un amour de la liberté, un attachement à l'égalité des chances, une tradition d'auto-dépendance et d'indépendance et, aussi, de coopération » ; ainsi que « les grands principes de la civilisation occidentale » : « la justice, l'amour de la liberté, l'idéal de la charité". Prophète du nouvel universalisme américain, Luce est à l'unisson d'un peuple forgé par la croyance en sa destinée manifeste et qui, au XXe siècle, choisit d'assurer le leadership mondial en intervenant massivement dans les deux guerres mondiales puis en se dressant contre le communisme.
Pierre Melandri raconte cette histoire avec maestria en conjugant histoire politique, économique, militaire et culturelle. Cette "hyper-puissance" (Hubert Védrine) est multiple, innovante et dominante dans tous ces domaines du New Deal à la dernière révolution informatique. En passant notament par le porte-avion, les fonds, la bombe H, le coca, le jazz ou le rock... Pourtant ce modèle entre en crise depuis les années 1970 sous l'effet conjugué du Watergate et de la débacle au Vietnam.
L'auteur insiste, il faut largement relativiser cet éternel "déclin américain" à l'aune de sa domination toujours incontestable. Une synthèse ambitieuse, magistrale et appelée à faire date !