Un jour, aux courses, l'archiduc Rodolphe remarque une jeune fille dont la grâce sérieuse le frappe plus encore que sa beauté. Il demande son nom : c'est la baronne Marie Vetsera. Leurs regards se sont croisés et Marie s'est rendu compte de l'attention qu'on lui porte, mais n'en tire pas vanité. Que peut-il exister de commun entre le fils unique de l'empereur François-Joseph héritier du trône d'Autriche-Hongrie et elle-même qui, tout en appartenant à la haute société de Vienne, ne possède cependant pas assez de quartiers de noblesse pour être reçue au palais de la Hofburg? En dépit de ces réflexions raisonnables, Marie s'éprend du prince impérial. Elle a seize ans, l'âge de ces enfantillages, et sa passion soigneusement tenue secrète resterait peut-être un simple amour de tête si la comtesse Larisch, amie de sa mère et cousine de Rodolphe, n'entrait en scène et faisait disparaître tous les obstacles. La rêve commencé le 12 avril 1888 prend corps, mais c'est pour s'achever en tragédie le 29 janvier 1889 par les coups de feu tirés au pavillon de chasse de Mayerling. S'appuyant sur les archives officielles, Claude Anet a reconstitué la brève idylle de Marie Vetsera avec un talent qui donne l'éclat du roman à ce qui est une page de l'histoire de la Maison d'Autriche
"Trente ans plus tard, un officier galopait un pur sang dans les allées du Prater dont les arbres commençaient à pousser de verts bourgeons. Malgré son jeune âge, il portait la petite tenue de général de dragons. Arrivé à l'extrémité de l'allée, il ralentit son cheval et le mit au pas. C'était un homme mince, de taille moyenne et bien prise, les yeux beaux, la moustache longue. Des cavaliers le croisèrent et le saluèrent avec déférence. Il leur retourna gracieusement leur salut. Il mit pied à terre à l'endroit où l'allée principale arrive à la place que l'on appelle l'Etoile du Prater et qui est bordée de maisons. Il donna son cheval à un groom et il resta seul un instant sur le trottoir, attendant le phaéton qui devait venir le prendre. Bientôt il l'aperçut de l'autre côté de la place et fit quelques pas sa rencontre. Comme il longeait une maison de modes, de jeunes ouvrières sortirent, courant, se bousculant."